L’hypocrisie des hommes
Le but de l’altruisme réciproque est de donner à l’organisme l’impression qu’il s’est fait aidé; l’impression seule suffit à provoquer la réciprocité.
Mais qu’est-ce qui peut bien avoir réduit le degré d’honnêteté ou d’intégrité aujourd’hui? En fait, l’univers qui se trouvait dans le logiciel tit for tat (voir ici) ressemble beaucoup à un petit village; le même groupe d’individus, jour après jours, se souviennent de la façon dont chacun s’est conduits la dernière fois qu’ils se sont vus. Ce cadre social stable et restreint rend l’intégrité et l’honnêteté particulièrement justifiées. La première raison est qu’il n’y a aucun moyen d’échapper à son passé, et l’autre est que les gens envers lesquels on se montre gentil vont rester longtemps dans le coin.
La bienveillance est l’élément prépondérant de toutes les relations mutuellement bénéfiques et agréable qu’entretiennent les humains. . La courtoisie coûte quelque chose : un tout petit peu de temps et d’énergie psychique. Mais de nos jours elle n’achète pas grand-chose. Les gens déménagent souvent, changent souvent de travail. Ainsi, une réputation d’intégrité a moins d’importance de nos jours, et les sacrifices de tout genre que nous faisons sont moins susceptible d’être payés de retour dans le futur.
Bizarrement, une forte hypocrisie peut être le signe d’une grande moralité. Dans une société éminemment « morale » – où la vie quotidienne implique de nombreux actes de courtoisies et d’altruisme, où la méchanceté et la malhonnêteté sont dûment punies par la sanction sociale – une bonne réputation morale est capitale ,alors qu’une mauvaise coûte assez cher. Ce poids de la réputation incite davantage les gens à agir comme ils le font naturellement de toute façon : en faisant exagérément valoir leur bonté.[1]
La progression que l’on passe pour être reconnu comme gentil et bon semble être la norme dans différentes cultures. C’est cette pulsion qui fait l’extraordinaire force des codes moraux collectifs : nous voulons tous faire – ou pour être plus précis, nous voulons tous être vu en train de faire quelque chose de gentil.
Les parents et autres figures d’autorités, y compris les membres plus âgés de la famille, tiennent le rôle de modèles ou de tuteurs, et façonnent la conscience au gré de leurs éloges et de leurs blâmes. Les parents sont conçus pour orienter les enfants vers des conduites « morales » si —et seulement si —elles peuvent leur être profitables.
N’en demeure pas moins que mentir nous permet d’en avoir beaucoup plus pour son argent. La tendance au mensonge est une tendance naturelle, dont la spontanéité et la généralité montrent combien elle est constitutive de la pensée égocentrique de l’enfant[2]. Mentir est excitant; c’est-à-dire que la manipulation elle-même, plus encore que les bénéfices qui en résultent, peut inciter les enfants à mentir[3].
Bref, on pourrait dire que nous apprenons ce que nous pouvons nous permettre (ou non) , ou faire ce que notre famille considère, ou non, comme une tromperie judicieuse.
[1] Victorian Minds, p.277-278, Gertrude Himmelfarb 1968
[2] Le jugement moral chez l’enfant, p. 106, Jean Piaget 1992
[3] Lying as a skill : The development of Deception in Children, p.288, Marie E. Vasek, 1986
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